Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Sun Chine
10 octobre 2006

Journal à rebours - La Chine et le Droit

COLLOQUE SUR LE CODE CIVIL A L'UNIVERSITE DE TSINGHUA ET REFLEXIONS SUR LE DROIT EN CHINE- 5 novembre 2004

civil

Avoir à traiter des questions de coopération judiciaire dans un pays qui ne reconnaît pas les droits de l’homme comme des droits universels, pouvait à ce titre apparaître aussi comme un véritable défi. C’est pourquoi j’avais accepté avec joie le poste de Chargée de mission à l’Ambassade de France en Chine et le moins que l’on puisse dire, c’est que j’avais été mise dans le bain très rapidement puisque dès le lendemain de mon arrivée, je devais assister au colloque organisé par l’Ambassade sur le bicentenaire du Code Civil, à l’Université de Tsinghua, l’une des plus prestigieuses de Chine.


Il peut apparaître très étonnant qu’un tel colloque sur le Code civil ait été organisé en Chine, un pays où l’Etat de droit n’existe pas : pas d’indépendance judiciaire, une hiérarchie des normes confuse, des droits de la défense quotidiennement bafoués, des condamnations sans intervention judiciaire (la rééducation par le travail). Pourtant, la tenue de ce colloque n’était pas uniquement dûe à un jeu de circonstances (la célébration du Code civil napoléonien un peu partout dans le monde ; la nécessité pour le secteur Coopération judiciaire d’organiser un évènement marquant l’année de la France en Chine – la France se présentant comme le pays des droits de l’homme), elle accompagnait également la réflexion menée par la Chine sur la codification de son droit. Les Chinois aimant se réclamer du droit écrit et de la tradition juridique dite continentale, ils ont pour cette raison célèbré, comme une trentaine de pays dans le monde, le bicentenaire du code civil.


Depuis son adhésion à l’Organisation Mondiale du Commerce le 11 décembre 2001, la Chine est entrée dans l’ère des réformes juridiques fondamentales. Outre l’adaptation de son droit des affaires, les quatre réformes qu’entreprend progressivement la Chine concernent :


- la réforme de la procédure législative, face au désordre normatif ;

- la réforme judiciaire, en raison des carences du système et de ses enjeux ;

- une réforme de codification, avec l’attente d’un Code civil ;

- et la réforme constitutionnelle, socle du système juridique

On peut citer comme preuve de progrès, l’application en 2002 du Système d’examens d’Etat selon lequel, à l’avenir, le juge doit passer tout d’abord les examens judiciaires (jusque-là, il n’existait pas d’examen national pour la désignation des juges ; ils pouvaient être nommés sans réelle compétence juridique, c’est ainsi que j’en ai rencontrés qui avaient fait des études d’informatique...). De même, on constate une amélioration du mécanisme et des organes du procès. De fait, le droit chinois n’a jamais été aussi sophistiqué, jamais mieux enseigné et les juges, procureurs ou avocats n’ont jamais été aussi bien formés. On constate également que les individus accèdent de plus en plus facilement à la justice et la Chine s’est fixé l’objectif d’achever d’ici 2010 sa réforme juridique.

 


Si la Chine se lance dans une véritable réflexion sur la modernisation de l’Etat, elle n’est malgré tout pas prête à réformer son propre régime politique. Elle se livre donc à un difficile jeu d’équilibriste entre ouverture économique, réformes constitutionnelles et rigidité politique et continue à pratiquer un double langage.

 
Malgré tout, les contraintes et les résistances sont innombrables sur le chemin menant vers un État de Droit. Même si l’état chinois fait de la réforme de la justice une priorité, il existe encore de nombreux obstacles qui l’empêchent d’aboutir : l’habituelle distance entre les textes et leur application mais aussi et surtout la corruption et le manque d’indépendance au sein de la justice. L’indépendance personnelle du juge n’est pas toujours reconnue et de fait, l’institution du Comité des juges comme instance suprême de décision le déresponsabilise et l’indépendance collective des juridictions est limitée par l’interférence des autorités administratives et surtout de certains cadres du Parti communiste, même si le rôle dirigeant constitutionnel de ce dernier semble exercé de façon moins directe que par le passé à l’égard de la magistrature. Il peut sembler annecdotique de dire que pour les concours ouverts aux magistrats ou aux professeurs de droit, ce ne sont pas les candidats eux-mêmes qui décident de s’y présenter, mais leurs autorités qui le décident pour eux.

 

Publicité
Commentaires
Archives
Publicité
Derniers commentaires
Publicité