Journal à rebours - clichés de Chine
CLICHES DE CHINE
Premier séjour dans la
Chine continentale, premiers regards critiques sur un pays avec lequel j'ai
toujours eu une relation complexe, à la fois d'attraction et de répulsion.
Zhongguo (中国),
le "pays du milieu" ou "empire du milieu", ainsi s'appelle
la Chine en chinois.
Un nom qui illustre bien la manière dont la Chine se perçoit et se présente
au monde. Une Chine nationaliste qui n'a pas besoin, qui ne cherche pas
vraiment à s'ouvrir, une Chine qui ne se perçoit peut-être pas comme le centre
du monde mais qui préfère se concentrer sur ses propres intérêts, une Chine
nombriliste. Une Chine qui se protège contre les invasions extérieures, à
l'image de sa grande muraille construite pour arrêter les Mongols et qui
aujourd'hui se protège contre les investisseurs étrangers jugés trop
entreprenants par un contrôle rigoureux de sa monnaie ; une Chine qui entre
dans l'OMC pour mieux imposer ses règles. Ainsi, si la Chine a initié une
politique d'ouverture à la fin des années -70 sous l'impulsion de Deng
Xiaoping, elle ne s'ouvre réellement qu'en raison du pouvoir d'attraction
qu'elle exerce sur les entrepreneurs occidentaux, attirés et aveuglés par les
chiffres qu'elle affiche : près de 10% de taux de croissance, une population
d'1,3 milliards. Chiffres vertigineux et pourtant préoccupants, chiffres qui
cachent les problèmes internes de la Chine, chiffres à replacer dans leur
contexte, chiffres à double tranchant.
2004, année de la Chine en France ; 2005, année de la France en Chine.
Années croisées qui célébrent les quarante ans de la reconnaissance de la
République Populaire de Chine par le Général de Gaulle. Relations ambigües,
plus basées sur une Realpolitik que
sur une réelle amitié entre ces deux pays, même si l'ami JIANG Zemin a été
invité à danser par Bernadette Chirac au son des accordéons lors de sa visite
en France en 1999.
Quels points communs entre la France qui aime à se présenter comme le pays
des droits de l'homme et la Chine connue pour les "incidents" de 1989
?
Certes, si on interroge les Chinois sur l'image qu'ils ont de la France, il
apparaît que cette dernière peut présenter quelques caractéristiques en commun
avec l'Empire du milieu : une fois passée les clichés sur le romantisme
français (hé oui, nous sommes romantiques nous les Français), la France
apparaît comme un pays qui a une longue histoire (même si les Chinois ne
connaissent que le nom de Napoléon voire de De Gaulle), une richesse culturelle
: le sourire de la Joconde presque aussi célèbre que le portrait de Mao.
Clichés sur la Chine, pays qui nous apparaît étrange, contrariant parfois
dans ses contradictions.
Un pays communiste où pourtant le libéralisme est plus fort que partout ailleurs
en certains endroits.
Une Chine athée mais qui voit renaître le sentiment religieux, perçu
parfois comme source d'instabilité.
Une Chine nationaliste où pourtant les tensions entre les Hans et les
autres minorités ne sont pas à négliger et où l'une des grandes peurs est le
séparatisme (loi anti sécession votée par l'ANP le 14 mars 2005 et qui vise la
"province rebelle" de Taiwan).
Une Chine qui affiche des chiffres de croissance spectaculaires dans les
grandes villes, qui se modernise à une vitesse fulgurante mais qui dans les
provinces voire dans quelques ruelles derrière les grandes avenues, les hutongs, ressemble plus au quart-monde
avec ses hordes d'ouvriers, les mingongs,
qui essayent d'échapper à leur misère en cherchant du travail en ville.
Une Chine pleine de contradictions mais fascinante, tellement différente,
tellement déroutante. Un système d'écriture érigé en art et qui traduit la
manière de pensée chinoise, sorte de gymnastique spirituelle dans laquelle la
maîtrise du pinceau est tout aussi importante que le contenu.
Une Chine révolutionnaire mais qui redécouvre son héritage culturel, ses
traditions. Une Chine tellement autre, connue en Europe qu'au travers de
certains clichés, de certaines images présentes à l'esprit : le cinéma chinois
avec la belle Gong-Li (qui d'ailleurs n'est pas considérée si belle que ça en
Chine...), les arts martiaux avec Bruce Lee et les moines de Shaolin, l'opéra
chinois avec Adieu ma concubine.
Une Chine qui évolue, qui
s'ouvre au monde à l'image de cette cité interdite, palais des empereurs de
Chine, cité vaste et coupée du reste du monde, saccagée lors de la Révolution
rouge mais qui aujourd'hui retrouve sa magnificence avec comme porte d'entrée
celle de la paix céleste, Tian an men,
où trône le dernier vrai empereur chinois, Mao.
Une Chine que je m'en vais
découvrir de l'intérieur après l'avoir étudiée de l'extérieur.